Rencontre #Interview #Orchestre de Chambre de Toulouse #Gilles Colliard #Covid #musique classique
Violoniste, compositeur et chef d'orchestre, mais aussi enseignant, Gilles Colliard est Directeur Musical de l’Orchestre Baroque de Barcelone et Directeur Artistique de l’Orchestre de Chambre de Toulouse. Il nous livre ses réflexions sur l’impact du confinement et de la crise sanitaire dans l’univers de la musique classique.
Passionné de musique avec un grand M, Gilles Colliard s’est toujours opposé aux étiquettes. Car cet homme aux multiples facettes se nourrit d’une diversité qui dérange dans un monde où chaque chose est supposée être à sa place. Ainsi depuis des années, le chef d’orchestre qui se décrit comme un musicien hyperactif voyage à travers la planète pour partager sa musique. Pourtant, cette activité très dense a soudainement été mise à l’arrêt au printemps dernier et, malgré l’envie de se projeter dans un avenir plus souriant, ces balades de confinement en confinement, raisonnent bien tristement aux oreilles du musicien.
Alors comment les orchestres vivent-ils cette période de trou noir culturel ? « Les orchestres sont aidés financièrement par l’Etat et bénéficient du chômage partiel. Cependant les artistes vivent difficilement le manque de concert et de partage qui sont le cœur de notre métier, répond Gilles Colliard. Les concerts nécessitent une préparation importante. Aussi, c'est une grande frustration pour les musiciens de ne pas monter sur scène et de voir au final leur travail partir en fumée avec l’annulation ou le report de concerts par centaines ».
Dans ce contexte, le plus déprimant est certainement de constater que la musique est aux abonnés absents des discours politiques et médiatiques. On parle de culture, oui, un peu, mais on ne parle pas de musique. Pourtant l’histoire a prouvé à maintes reprises qu’en temps de crise ou de guerre, la musique rassemble, adoucit et rend plus supportables des climats dramatiques. « Le succès des quelques concerts maintenus durant l’été illustre bien ce manque cruel dont souffre le public. Notre société est déjà trop individualiste et le repli sur soi imposé par la crise sanitaire ne fait que noircir les traits de ce portrait. Je crains de ne jamais retrouver le monde du spectacle que l’on a perdu », déclare Gilles Colliard.
Avec amertume, les représentants du secteur déclarent se sentir abandonnés alors qu’ils estiment que l’art est vecteur de l’humanité et de la solidarité nécessaire à la guérison de notre société. Relégués dans une catégorie d’activité « non essentielle » et plongés dans une incertitude quotidienne anxiogène, ils plaident en faveur de leur discipline et tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme « pour que l’on ne s’habitue pas à vivre sans musique ».
Une pause de réflexion créative
Pour autant, et fort heureusement, la crise sanitaire est pour beaucoup d’entre eux l’occasion de prendre le temps de composer, d’initier de nouveaux projets, de mettre à profit les technologies numériques pour garder le contact avec leur public, tout comme les enseignants qui s’initient aux cours en visio… En l’occurrence, Gilles Colliard a été l’initiateur de vidéos pédagogiques et a lancé sur sa page Facebook une série de courts films éducatifs autour d'œuvres musicales. « L’objectif est de partager mon savoir avec le plus grand nombre en utilisant des supports et des formats accessibles. Je rêve désormais d’inventer une nouvelle manière de parler au public, plus humaine, qui casserait le fossé entre les spectateurs et les interprètes », conclut le musicien.
Sarah Gerothwohl
Commentaires
Soyez le premier à commenter cet article !